mercredi 30 novembre 2011

"S'écouter, écouter son corps";


Ce billet a été écrit dimanche 27 novembre, 1° dimanche de l'Avent. 

Je pense que comme beaucoup d'enfants de ma génération (celle de la 2° guerre mondiale)  j'ai été élevé dans "marcher sur la douleur" être plus fort qu'elle. Cette manière de fonctionner, du moins tant que c'est possible donne de grandes satisfactions (narcissiquement parlant).A cela s'ajoutait le fait que étant une fille, donc par définition une pleureuse,ne pas pleurer quand par exemple j'avais le genou en sang, était très satisfaisant: d'une certaine manière j'avais ma récompense.

Ceci pour dire, que se plaindre n'était pas bien vu et que la douleur il faut la mater, être plus fort qu'elle.

Hier, j'ai eu envie de travailler dans le jardin, ce travail ingrat qui consiste à ramasser les feuilles mortes, qui envahissent la pelouse qui a été refaite, donc faire cela pour éviter que cela ne pourrisse. Et puis s'il y a des feuilles qui sont belles, celles là ne le sont pas, alors c'est un peu comme donner un coup de propre et j'aime bien cela. Bien sûr j'aurais pu attendre un grand coup de vent pour que cela parte sous les haies, mais à l'expérience, ce n'est pas un bon plan. Alors j'ai ramassé, je me suis gorgée de l'odeur de l'humus (ça j'aime), mais le sac à déchet étant de plus en plus lourd, je me suis fait mal "aux reins" en le soulevant et en le ramenant sur la terrasse.

J'ai avalé un anti inflammatoire en me disant que cela allait durer le temps d'une nuit, mais que nenni, ce matin le mal est toujours présent. C'est une douleur qui me fait penser à une phrase que l'on va lire aujourd'hui dans la première lecture Is 63:  "Ah si tu déchirais les cieux, si tu descendais".

Ce que je ressens dans mon corps c'est bien cette sensation de déchirement, de quelque chose qui évoque le travail de l'enfantement (accoucher par les reins dit on parfois).

Alors ce truc là, que peut il bien me dire, mis à part le fait que je vieillis et qu'il y a des trucs que mon corps n'aime pas plus et qu'il proteste. Peut être que quelque chose doit naître. Après tout c'est le temps de l'avent, le temps de ce qui doit advenir, naître.

Comme me l'a déjà suggéré le frère Benoît, je me suis écoutée... Je ne suis pas allée à la messe pour rester sans bouger, sans faire d'efforts, sans risquer de faire de mauvais mouvements. Cela en soi est important, car il y a des restes de l'adolescence: ne pas manquer la messe du dimanche, surtout peut être quand on rentre dans la préparation d'un temps plus spécifique.  C'est sortir du "s'écouter c'est défendu, c'est mal".

Et puis j'ai repensé à une séance non pas de shiatsu mais de "cristal" au cours de laquelle la thérapeute m'a fait répété les phrases suivantes: "j'ai le droit d'être heureuse", puis "j'ai le droit d'être malheureuse". Je dois dire que cela m'a interpellée car jamais je n'ai osé dire les choses comme cela: avoir le droit. Je ne pense pas avoir reçu ce droit... Et là, je peux me dire que ce mal de reins ne touche pas à ce droit: je peux avoir mal, le dire aux autres et continuer à être heureuse. Je peux me dire que ne pas aller à la rencontre du dimanche, certes c'est dommage, mais cela m'a permis de regarder la messe à la télé et surtout un reportage sur Jean XXIII qui est et qui restera "mon" pape.

Alors ce n'est pas "à quelque chose malheur est bon", non c'est autre chose qui peut naître de cette expérience de ce jour. Quelle que soit ce que me réserve la vie, j'ai le droit peut être pas de me sentir bien si la douleur est là, mais sans que cela n'entame pas mon droit à être heureuse (ce qui est différent pour moi du bonheur). On a tellement voulu faire de ce qui fait mal, soit une punition, soit une rédemption...  Lytta basset dit quelque part, "est mal ce qui fait mal". Oui j'ai mal, et l'important est peut être de faire ce qu'il faut pour que cela diminue.

Accepter cela c'est je crois aller vers une certaine unification de soi. Et je pense que cette unification, c'est peut être cela qui rend heureux.

mardi 29 novembre 2011

Exultant de joie.. Jésus dit: Père, Luc 10, 21

J'étais étudiante, responsable d'amphi au centre Richelieu. Toutes les semaines nous avions un texte d'évangile à "méditer". Il n'y avait aucune consignes de lecture pour prier ces textes, je veux dire qu'il n'y avait aucune "technique" particulière pour prier ces mots, simplement prendre du temps pour les laisser vivre.

Ce texte de Luc a été pour moi une des choses les plus importantes qu'il m'a été donné de recevoir.

J'ai à ma manière "exulté" moi aussi parce que ce jour là, j'ai pu comme Jésus entendre ce mot de Père. Bien sûr j'avais lu et relu le texte, mais tout d"un coup il a pris sens pour moi avec ce simple mot. Je suis restée comme aimantée par ce mot. Il résumait tout le texte que nous avions à méditer. Et ce pouvoir des mots sur moi, il est toujours aussi fort aujourd'hui. l'Esprit Saint devait à l'oeuvre, mais je ne le savais pas. Il a soufflé ce jour là et il m'a donné une immense joie.

D'un coup je  suis passée à une relation qui était très christocentrique (quand on découvre la personne de Jésus à 10 ans, il devient une sorte de grand frère, de super copain et même si les choses évoluent un peu avec les années ce coté de familairité demeure) à quelque chose de radicalement différent. D'une certaine manière le Fils s'effaçait pour faire place au Père et cela était pour moi une révélation. Il m'avait révélé quelque chose du mystère trinitaire.

Puis les années ont passé... J'ai certainement évolué (où la vie m'a fait changer et un jour je me suis rendue compte que ce mot de Père je ne pouvais plus le prononcer car il était comme englué dans des rituels qui eux mêmes me paralysaient. Je pense que je me suis laissée comme piégée par  une représentation de Dieu qui était Dieu dévorant (il est terrible de tomber dans les mains du Dieu vivant est-il écrit dans l'épitre aux hébreux). De ce Dieu là je ne voulais pas et je l'ai laissé choir.  Dans cet espèce de combat entre moi et Lui, je me suis choisie moi et j'ai vécu sans Dieu pendant des années. Je sais que cela paraît gonflé de dire les choses ainsi,mais je n'ai pas "besoin " de Dieu pour vivre, j'ai le "désir" de Lui ce qui pour moi est autre chose.

Appeler Dieu par ce nom de Père n'est toujours pas simple pour moi. Qui n'a pas eu des problèmes avec son propre père, qui n'a pas pas projeté de son père sur Dieu ou de Dieu sur son père?

Quand j'ai repris une pratique, j'ai écrit un petit texte: "pour ceux qui ne peuvent dire Père à Dieu"http://www.portstnicolas.org/Quand-il-est-impossible-de-dire.html.

Encore aujourd'hui quand je dois au cours d'une célébration dire cette prière, bien souvent je laisse les autre dire la première phrase et j'ajoute "aujourd'hui" aux différentes demandes. Peut être parce que au fond de moi, je ne suis pas sûre de ce que je serais demain et si demain je pourrais donner ce nom là à Dieu.

Mais ce cadeau que j'ai reçu autrefois a été une source de joie pendant des années . Aujourd'hui il y a d'autres cadeaux, d'autres signes: la phrase du cantique de Judith qui dit en parlant de Dieu:  "son nom est le Seigneur"Ju 16, 2, remplace pour moi très bien Luc 10, 21....

dimanche 20 novembre 2011

"Couler"

Quand on se noie on dit qu'on coule, qu'on tombe dans un milieu qui ne permet pas de respirer et donc on perd le souffle et on meurt.

On dit aussi que l'on se coule dans le désir de l'autre quand on a envie de lui ressembler ou d'être aimé par lui. Pour ce faire, pour devenir "un peu" comme l'autre, on essaye de se nourrir de tout ce qui peut sortir de lui, de ses paroles, des ses gestes, de ses regards.

Quand Jésus dit: celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui Jn 6, 56 peut être peut-on entendre ceci : celui qui se nourrit de ce que je suis et qui bois ce qui sort de moi, celui là devient moi.

Or que sort il de Jésus, il sort d'une part le sang (qui s'il n'est pas versé dans quelque chose s'écoule et s'en va, car comme tout liquide il a besoin d'un receptacle) et d'autre part le souffle (répandu sur la croix et lors des apparitions d'après l'évangéliste Jean).

Ce matin je disais en transformant la prière du coeur: "fais couler en moi ton Esprit Saint". L'image qui est alors venue (à partir du mot couler, car c'est souvent ainsi que je fonctionne, ou que ça fonctionne) a été celle du sculpteur qui fait couler le bronze dans un moule.

Alors que bien souvent quand je demande que L'esprit Saint vienne, c'est l'image de l'eau qui coule sur mon corps, mais même si cela symbolise l'eau qui purifie, cela est extérieur de moi, même si je peux m'en envelopper. Là j'ai compris qu'Il coulait aussi à l'intérieur de moi, qu'Il pouvait remplir tous les vides qui sont en moi, sans pour autant les boucher et que finalement mon corps est une sorte de moule qui est appelé comme tout moule à disparaître pour que la "forme" soit visible. Il n'en demeure pas moins qu'il y a dans cette optique un travail, permanent de création en moi et que cela c'est aussi mon désir.

Quand Paul écrit: "vous êtes le temple de l'esprit saint", c'est peut être cela qu'il veut dire(1Cor 6,16) c'est à dire que l'Esprit Saint qui est en vous crée un temple c'est à dire un lieu de résidence pour Dieu. mais jusque là je ne m'étais jamais posé de question sur la forme du contenant (argile dira le même Paul ailleurs 2Cor4,7) mais peut être que le moulage soit correct il faut que le moule soit bien travaillé lui aussi.

Chez Marie, ce coulage (le très haut te prendra sous son ombre) a pris une forme particulière: celle du fils; chez moi, je ne sais quelle forme sortira.
Cela c'est le travail du sculpteur. Le tout c'est juste de demander que "ça coule" pour créer de la vie. Que la forme m'échappe,puisque ce n'est pas moi qui la crée, c'est certainement une très bonne chose, car là je suis obligée de laisser faire, de me laisser faire.

Alors sentir en soi ce flux et en même temps cet arrêt du temps est une grâce qui permet juste de dire merci et de louer.


mercredi 16 novembre 2011

Parler à Dieu ou parler Dieu

Hier soir, lors d'une réunion un jeune homme s'adressait à Dieu en disant quelque chose comme "Dieu je te bénis parce que tu es là, que tu fais plein de belles choses" mais dans sa manière de parler, Dieu était comme un "prénom" ou un nom de famille, un peu comme s'il disait:Salut X (Dieu en l'occurrence).

Je trouve cela superbe pour lui, qu'il puisse être "cul et chemise" avec le Tout Puissant, avec celui dont on ne peut prononcer le nom, avec celui qui est le Tout Autre, mais moi je ne peux pas, cela m'est impossible. Ce serait comme si j'enfermerai D ieu dans une enveloppe, dans un corps, comme si je pouvais lui taper sur l'épaule en lui disant" heureuse de te rencontrer" et cela je ne le peux pas.

Je me disais que indépendamment du nom Seigneur que je mets un peu à toutes les sauces, parce que c'est comme cela que je Lui parlais autrefois, peut être que c'est Présence ou Absence qui seraient des noms pour LUi Lui étant celui que l'on appelle la première personne de la Trinité, après tout à tout Seigneur tout honneur.

Présence/présent parce que oui, par moment Il est là, Il c'est peut être ce qu'on appelle le Dieu "trois". Il est là, Il se manifeste par ces signes qui sont parfois ténus, minuscules, surtout personnels, mais oui Il est là. Pour moi, il suffit parfois alors que je fais quelque chose de ralentir un tout petit peu le rythme pour que en moi quelque chose de passe, que j'ai conscience de ce lieu en moi où il accepte de demeurer.

Absence/Absent c'est quand le ressenti n'est pas là, mais quand il reste comme le dit quelque part Maître Eckhart: "Comme lorsqu'une pomme a été posée et que demeure un goût".

Jésus, Lui je l'ai appelé par son nom, parce que c'est ou du moins c'était facile. Aujourd'hui, cela l'est moins. J'aime bien Joshua mais il me semble que là aussi  celui à qui je m'adresse ce n'est pas l'homme Jésus mais le ressuscité et là encore il y a de la distance. Alors oui le terme Seigneur (ou des fois patron) ce n'est pas si mal.

Quant à l'Esprit Saint qui est peut être mon grand "Présent" d'aujourd'hui, Lui je l'appelle, Lui je lui demande de m'ouvrir, d'ouvrir mon coeur, d'éveiller tous mes sens, pour qu'il "m'accorde" à mon présent.

Je me rends compte en terminant ce billet que les noms que j'aime utiliser sont:  Adonaï, Joshua, Ruah.. mais que ces mots ne recouvrent pas grand chose.


dimanche 13 novembre 2011

S'approprier une parole...

Fra angelico: Annonciation

J'utilise tous les matins le site: http://www.prier.be/ et quand on clique sur l'icône de droite, il s'affiche une "parole", un "petit pain" pour la route.

Ce matin ce fut: réjouis toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi.

Ma première réaction a été de penser à Marie, puisque c'est à elle que ces paroles sont adressées et d'avoir envie de passer à autre chose. Puis aussitôt je me suis dit: mais c'est à moi aujourd'hui que cela m'est dit. Et je me suis réjouie de ce qui m'est donné, car j'ai beaucoup de chance et de savoir que le Seigneur est avec moi... Et cette phrase est devenue source de joie pour moi aujourd'hui.

Etonnant non de s'approprier une parole dite à quelqu'un d'autre.

Automne



L'automne, c'est la saison des feuilles qui tombent et j'ai entendu qu'il ne faut pas les laisser sur les pelouses, alors je les ramasse en pestant un peu, parce que un saule ça a des masses de feuilles et des petites. Pour le liquidembar et ses grandes feuilles rouges, c'est plus facile..

Devant la pièce où je travaille, il y a un petit lilas qui d'un coup a commencé à perdre ses feuilles, mais surtout elles sont passées du vert au jaune et du jaune au brun (comme si elles étaient brûlées) et à ce moment là elles tombent et donc j'ai pensé à les ramasser.

Et là une surprise: en regardant les rameaux porteurs de ces feuilles qui ne demandent qu'à tomber, j'ai vu des bourgeons en devenir. comme si les feuilles ne tombaient que lorsque la relève était prête.

Et je me suis extasiée: petite joie de ce matin d'automne. Peut-être que vieillir c'est aussi laisser tomber ce qui a vécu parce que du neuf est déjà en devenir.

mardi 1 novembre 2011

Etre saint.

C'est la "Tous saints" aujourd'hui. Pas trop écouté l'homélie du frère Hughes. Je me disais que être saint, c'est juste laisser entrer Dieu dans son coeur et le laisser agir (ou mener la barque).

La conception de Etty Hillesum: prendre soin de Dieu qui est en moi, me plaît assez. Parce que prendre soin c'est le take care anglais, c'est aussi bien prendre dans les bras que nourrir et que parler. C'est aussi le voir dans les autres, mais aussi dans le monde.

Une autre image; celle de la petite braise qui est le divin en nous. Et le souffle de l'esprit qui permet que cela grandisse et qui se révèle ainsi le visage de Dieu en Jésus. Etre saint, c'est juste prendre conscience de la petite braise et de laisser souffler.